Senior et Sport : interview de Pierre de Rauglaudre, président de l’AFFM – Walking football

Lors du dernier salon du Bien-vieillir nous avons découvert l'Association Française de Football en marchant, . Cette nouvelle activité est à destination des seniors et des personnes en situation de handicap. Pour en savoir plus nous avons rencontré le fondateur de l'association dédiée au développement du Walking football en France, Pierre de Rauglaudre.

Monsieur de Rauglaudre qu’est que le Walking football ?

Alors c’est simple c’est du football en marchant. Avec quelques amis, j’ai créé l’Association Française de Football en marchant le 29 février 2020.

J’avais repéré en Angleterre l’existence de cette initiative prise dès 2011, où des personnes, ayant dépassés «  l’âge normal » pour jouer au foot, ont eu envie de continuer de jouer en évitant  de se blesser ni de courir après des petits jeunes en pleine forme. Ils ont donc adapté les règles du foot pour jouer de manière plus soft, plus tranquille mais avec toujours ce plaisir de toucher le ballon, de se faire des passes et de marquer des buts.

Ils ont fondé leur idée sur trois règles.

D’abord il faut toujours un pied au sol, c’est ce qui différencie la marche de la course car quand vous courez vous avez les deux pieds qui décollent, quand vous marchez il y a toujours un pied au sol. Quand on court, il y a un engagement physique assez fort et donc un risque de blessure, de se blesser soi-même ou de blesser son adversaire. Ce risque diminue énormément en adoptant le principe de la marche et même en marchant la balle circule assez vite. Si l’arbitre considère que vous avez couru, il y a coup franc.

La deuxième règle porte sur les contacts. Au foot les tacles, les coups d’épaule sont plus ou moins tolérés et sont la encore source de blessure, donc c’est interdit. Par opposition au foot lorsque votre adversaire a la balle dans les pieds vous ne lui foncez pas dessus pour essayer de la récupérer. Vous vous positionnez en face de lui et vous essayez d’intercepter la passe qu’il va essayer de faire ou peut-être la tentative de débordement.

Troisième règle, une autre source de blessure au foot ce sont les têtes. On évite les balles hautes pour ne pas s’abîmer les cervicales.  On interdit une hauteur de balle au-dessus de la barre transversale des buts sous peine là encore de coup franc.

Quelle sont les principales caractéristiques ?

En principe on joue comme au five ou Urban Football ou au footsalle c’est à-dire sur des terrains de taille réduite, le quart d’un terrain de foot soit 25 m sur 40 m avec des cages qui sont aussi de taille réduite équivalente à des cages de handball avec une zone pour le gardien.

Il n’y a pas de hors-jeu, les touches se font au pied. On joue en général à 5 contre 5 ou 6 contre 6 maximum et la durée des matchs est de 45 minutes soit 2 périodes de 20 minutes et 5 minutes pour la mi-temps.

Combien avez-vous d’adeptes ?

Ce phénomène a très bien marché en Angleterre et continue à très bien se développer et donc sur ce modèle, l’Association Française de Football en marchant a été créé pour faire la promotion de ce sport santé.  4 ans après la création de l’association nous avons réussi à fédérer une communauté de walking footballeur un peu partout sur le territoire. Nous avons une soixantaine de clubs adhérents à l’association qui sont eux-mêmes des clubs de foot, des associations sportives, des associations de sport santé ou de sport retraite voir des associations indépendantes qui ont monté une activité de Walking football.

Ça représente à peu près un millier de joueurs et je dirais que c’est en gros plus de 50 % de la réalité du Walking football en France puisqu’il y a des clubs qui sont pas adhérents.

En Angleterre ils ne sont pas loin des 100000 pratiquants, en France on est plus entre 1000 et 2000 pratiquants.  Mais ça bouge car on en parle de plus en plus dans la presse.

Il y a de plus en plus d’événements et donc d’engouement pour ce sport. Nous sommes soutenus par la Fédération française de football qui pousse également à la pratique du Walking football dans ce qu’elle appelle le sport loisir ou les pratiques diversifiées du football.

Nous avons un partenariat avec eux et cette année ils ont lancé sur tous les territoires des critériums au niveau des districts (les départements) et au niveau régional. Il y a eu aussi un critérium national en juin à Clairefontaine…

Nous avons créé des sélections nationales pour participer à une coupe du monde. Au final nous avons 5 sélections par catégorie d’âge : les hommes de plus de 50 hommes, de plus de 60 hommes, de plus de 70 et en catégorie féminine, les plus de 40 et les plus de 50.

Nous participons ainsi régulièrement à des événements nationaux et internationaux comme la dernière Coupe du Monde de Walking football à Derby en Angleterre. La catégorie plus de 60 a été vice-championne du monde en perdant contre les Anglais.

Cet été, à Saint-Nazaire, les 5 6 et 7 juillet nous avons organisé une mini Coupe d’Europe avec une dizaine de nations représentées et donc une trentaine d’équipe.

Nous faisons également des formations donc former pour coachs et arbitres.  Il faut un arbitre formé qui se fasse respecter et qui soit capable de juger si la balle a été trop haute, s’il y a contact ou si un joueur court.

Comment faites-vous connaitre votre association ?

Nous travaillons également la communication avec notre site web et nous sommes assez actif sur les réseaux sociaux. Nous fonctionnons avec des groupes WhatsApp pour animer la communauté.  Récemment nous avons créé un réseau d’ambassadeurs. L’objectif est d’avoir un ambassadeur par district pour prêcher la bonne parole du Walking football sur son territoire.

Nos deux cibles ce sont le monde du football et le milieu associatif, les gens qui s’occupent du Bien vieillir…  qui en plus de proposer à leurs adhérents des tournois de pétanque, de ping-pong ou de la randonnée, intégrerait le Walking football.

Demain on doit pouvoir dire à quelqu’un qui aime jouer au foot que l’âge n’est plus un problème. On peut prendre du plaisir et avoir des sensations. Il faut le prendre comme un sport plus adapté à sa niveau physique.

Est-ce qu’il y a des contre-indications ?

Oui il y a des contre-indications. Il est recommandé de passer une petite visite médicale avant. Une personne qui n’a pas joué depuis 20 ans peut surestimer ses capacités, un organisme à l’arrêt depuis des années peut se blesser. On recommande de faire un peu d’exercice physique avant de reprendre, des assouplissements et des étirements. Un match de Walking football équivaut en termes de pas à une randonnée.

A qui s’adresse votre sport ?

Ça ne s’adresse pas non plus aux personnes à un âge très avancé, il faut quand même être capable de tenir debout, de faire des passes et de taper dans un ballon.

Notre cœur de cible, les jeunes seniors de 60 à 70 ans.

Vous savez la pratique sportive est un peu le médicament du 21e siècle !

Il y a un impact physique sur les principaux indicateurs de santé. Des études sur un échantillon de pratiquants constatent l’impact sur le surpoids, sur le rythme cardiaque, sur la tension artérielle, sur le cholestérol, sur le sens de l’équilibre … le Walking football permet de repousser un petit peu l’âge où on ne sera plus autonome.

Il y a aussi un impact sur la santé mentale. Chez les séniors, il y a un risque de perte du lien social. Avec le Walking football on retrouver ses copains… et puis il y a la troisième mi-temps, on va boire un coup, pas forcément de l’alcool, c’est convivial.

Certains reprennent des responsabilités au sein des clubs, donnent un coup de main à la buvette, encadrent des jeunes…

Il y a un impact social notamment sur la mixité. Dans tous les clubs nous avons des femmes et des hommes qui jouent ensemble.  C’est aussi intergénérationnel, dans les tournois des enfants jouent avec leurs parents voire leurs grands-parents. La marche nivelle les enjeux physiques.

Bien sur les anciens footeux sont capables de faire un contrôle et une passe dans les pieds et les autres qui ont un peu plus de mal mais ce n’est pas grave, il y a de la place pour tout le monde.

L’aspect inclusif n’est pas négligeable. Nous avons des gens plus jeunes porteurs d’un handicap qui leur interdit de courir ou de jouer au foot normal… asperger ou handicap physique. J’ai en mémoire un jeune joueur de 35 ans atteint de ma maladie de Parkinson diagnostiqué à 33 ans qui était effondré de ne plus pouvoir jouer au foot et qui a trouvé dans le Walking football un plaisir qu’il ne pensait plus revivre un jour.

Quel a été votre parcours ?

Je suis un chef d’entreprise, j’ai monté une boîte dans l’informatique il y a 30 ans et je l’ai revendu il y en a 5. Je n’étais ni dans l’univers du sport ni dans l’univers du Bien Vieillir et je n’ai jamais été en club en foot, je jouais au foot sur le Champ de Mars avec les copains, le dimanche. Je me suis reconverti depuis 4 ans maintenant dans tout ce qui est économie sociale et solidaire avec plusieurs projets dont le Working football.

Comment percevez-vous le bien-vieillir dans les prochaines années ?

Pour moi c’est un des projets sociétaux les plus les plus décisifs pour les années qui viennent. On va avoir un pic démographique de personnes âgées qui vont arriver à un âge critique, les baby-boomers qui ont déjà 80 et qui ont encore une bonne dizaine d’année à vivre, c’est une charge colossale. Une civilisation se juge par sa capacité à s’occuper des plus, les personnes âgées sont bien sûr dans cette catégorie avec une autonomie décroissante.  Repousser les limites de la perte d’autonomie est un des enjeux.

Cela repose sur l’activité physique, c’est pour ça que je suis assez enthousiaste et assez optimiste sur le développement de ce sport en France. Je pense qu’il coche énormément de cases.

Il y a un autre enjeu moi qui me paraît intéressant, la création d’emploi. Pour organiser cette filière il faut des encadrants, des éducateurs sportifs chargés des seniors… ça n’existe pas aujourd’hui… il faut donc chercher les financements. Plus largement il y a un enjeu de l’emploi dans le monde du service à la personne, de création de postes et de formation…

 Vous faites aussi un travail auprès du ministère des sports ou du ministère de la santé ?

La Fédération Française qui est délégataire du Walking football jusqu’à la fin 2025 est l’interlocutrice mes ministères. De notre côté nous répondons à des appels à projets de l’ASN, l’Agence nationale du sport. Nous sommes soutenus aujourd’hui par la Cnav Ile-de-France et dans chaque département, des dispositifs collectifs qui financent des projets sur le Bien Vieillir. Nous sommes en relation aussi avec les CARSAT et AG2R LA MONDIALE qui s’intéresse de près à notre projet pour lui donner une dimension nationale.

Aujourd’hui nous restons une petite association, moi en tant que président bénévole, deux alternants et une douzaine de bénévoles actifs. Nous pourrions aller beaucoup plus loin si nous avions plus de soutien.

 Vous n’êtes pas en relation avec un joueur dont la notoriété qui pourrait vous permettre d’avancer plus vite ?

J’en ai parlé à Michel Platini, à Didier Deschamps quand j’ai eu la chance de les croiser mais ils sont extrêmement pris et ont des agents qui s’occupent de leur image…  Ce n’est pas évident mais je ne désespère pas. Ça me paraît super important qu’un jour, on ait un Emmanuel Petit qui fasse une vidéo avec nous. Notre objectif est d’être soutenu par une figure emblématique du foot.

En Angleterre le Walking football vivotait depuis 3 – 4 ans puis un jour le service marketing sponsoring de la Barclays Bank est tombé par hasard sur eux et leur a financé une campagne télé avec un partenariat d’ouverture de compte. Il y eu un engouement incroyable et tout a changé.

Le monde du travail peut devenir un vecteur de développement. On peut imaginer des séances de recrutement a base Walking football comme le fait Pole Emploi avec l’athlétisme ou des séances de team building pour insuffler l’esprit d’équipe et l’inclusion.

Le foot c’est le sport roi, c’est extrêmement connu et apprécié dans le monde entier c’est fédérateur !

 

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