L’employeur doit-il verser au salarié la rémunération correspondant à une période de mise à pied conservatoire annulée alors que le salarié a été en arrêt de travail ?
Oui !
L’employeur dispose d’un pouvoir disciplinaire lui permettant de sanctionner les agissements du salarié qu’il considère comme étant fautifs. En effet, l’employeur peut surveiller, contrôler et sanctionner les éventuels manquements de ses salariés à leurs obligations dans le respect de leurs droits et libertés.
Ainsi, l’employeur peut sanctionner les agissements qui lui semblent fautifs et choisir la sanction qu’il estime la plus adaptée, en tenant compte des dispositions conventionnelles prévues ou celles du règlement intérieur éventuellement applicable au sein de la structure.
En vertu du principe de la prohibition des doubles sanctions, un employeur ne peut pas sanctionner un salarié deux fois pour un même fait fautif. Ainsi, s’il décide de prononcer une mise à pied disciplinaire pour sanctionner un salarié, il ne pourra plus sanctionner ce même fait par une autre sanction.
Par ailleurs, l’employeur dispose d’un délai de deux mois maximum à compter de la connaissance des faits fautifs pour engager une procédure disciplinaire à l’encontre du salarié concerné.
La procédure disciplinaire peut aller jusqu’au licenciement pour faute du salarié si cela est justifié.
L’employeur peut prononcer une mise à pied conservatoire le temps de la procédure disciplinaire. Contrairement à la mise à pied disciplinaire, elle n’est pas une sanction. Il s’agit d’une mesure prise dans l’attente d’une sanction à venir. Elle permet de suspendre immédiatement le contrat de travail d’un salarié coupable d’agissements fautifs en l’attente d’une sanction définitive. La mise à pied conservatoire nécessite impérativement la mise en œuvre concomitante d’une procédure disciplinaire. Elle permet de tenir temporairement à l’écart de l’entreprise le salarié fautif pendant toute la durée nécessaire à la procédure disciplinaire intentée par l’employeur. Sa durée correspond donc à celle de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre du salarié. A l’issue de cette mise à pied, l’employeur pourra prononcer un licenciement ou une mesure disciplinaire moins importante.
Le sort de la période de mise à pied conservatoire dépend de la sanction définitive prononcée par l’employeur :
– si le salarié est licencié pour faute grave ou lourde, l’employeur n’a pas à rémunérer la période de la mise à pied conservatoire ;
– en revanche, si la sanction prononcée n’est pas un licenciement pour faute grave ou lourde, l’employeur doit rémunérer la période de mise à pied conservatoire. Il en est de même lorsque la mise à pied conservatoire annulée.
Dans un arrêt en date du 29 mars 2023, la Cour de cassation a retenu que lorsque la mise à pied conservatoire est annulée, la période correspondante doit être payée au salarié même s’il était en arrêt maladie.
En l’espèce, un employeur avait prononcé une mise à pied conservatoire et engagé une procédure disciplinaire à l’encontre d’un salarié détenant un mandat de représentant du personnel. Il avait demandé l’autorisation de licencier ce salarié pour faute à l’inspection du travail. La demande de licenciement ayant été refusée, l’employeur avait annulée la mise à pied conservatoire. Le salarié avait été placé en arrêt maladie le jour de la mise à pied conservatoire. L’employeur ne lui avait alors pas versé l’intégralité du salaire correspondant à cette période parce mais uniquement le complément de salaire aux indemnités journalières. Le salarié avait agi en justice pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes. Les juges du fond avaient rejeté les demandes d’un rappel intégral de salaire. Pour les juges, l’employeur n’était pas tenu au paiement de l’intégralité des salaires afférents à cette période de mise à pied mais uniquement du complément de salaire qui avait déjà été versé. Le salarié avait formé un pourvoi en cassation pour contester cette décision.
La Cour de cassation a censuré la décision des juges. Elle rappelle que si l’autorisation de licenciement pour faute demandée par l’employeur à l’inspection du travail est refusée, la mise à pied conservatoire est annulée et ses effets supprimés de plein droit.
La Cour retient que l’inexécution par le salarié de toute prestation de travail durant la période considérée avait pour cause la mise à pied prononcée à titre conservatoire par l’employeur, peu important que ce dernier ait pu être placé en arrêt maladie pendant cette même période. Ainsi, le paiement intégral du salaire était dû par l’employeur.
Consulter l’arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 2023 : https://lc.cx/hCC-2r
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